DOCERE

Friedrich August Hayek

« Le socialisme n'a jamais et nulle part été un mouvement de la classe ouvrière. Ce n'est en aucun cas un remède évident contre le mal évident que les intérêts de cette classe vont nécessairement réclamer. C'est une construction de théoriciens, découlant de certaines tendances de la pensée abstraite dont, pendant longtemps, seuls les intellectuels étaient familiers; et il fallu de grands efforts de la part des intellectuels pour persuader les classes ouvrières de l'adopter comme programme. »

— Friedrich August Hayek, Les intellectuels et le socialisme

« Assez paradoxalement, cependant, les partis de gauche sont en général responsables pour la plus grande part de la croyance qui veut que ce soit la force numérique qui décide du résultat politique. En pratique ces mêmes partis ont cependant agi, régulièrement et avec succès, comme s'ils comprenaient la position clé des intellectuels. Que ce soit par volonté ou par la force des circonstances, ils ont toujours dirigé leurs efforts pour gagner le soutien de cette "élite" [en français dans le texte, NdT], alors que les groupes les plus conservateurs ont agi, régulièrement et sans succès, selon une idée plus naïve de la démocratie de masse et ont essayé généralement en vain de persuader l'électeur individuel. »

— Friedrich August Hayek, Les intellectuels et le socialisme

« Les intellectuels sont les organes que la société moderne a développés pour diffuser la connaissance et les idées, et c'est au crible de leurs convictions et de leurs opinions que passent toutes les nouvelles conceptions avant d'atteindre les masses. »

— Friedrich August Hayek, Les intellectuels et le socialisme

« Les forces qui influencent le recrutement dans les rangs des intellectuels opèrent toutes dans la même direction et permettent d'expliquer pourquoi tant des gens parmi les plus capables penchent vers le socialisme. Il y a bien sûr de nombreuses différences d'opinion parmi les intellectuels, comme dans tout groupe. Mais il semble vrai qu'en général ce sont les hommes les plus actifs, les plus intelligents et les plus originaux au sein des intellectuels qui penchent le plus fréquemment vers le socialisme, alors que ses adversaires sont d'un calibre inférieur. C'est particulièrement vrai au début de l'infiltration des idées socialistes. Plus tard, bien qu'en dehors des cercles intellectuels ce soit parfois encore un acte de courage de professer des convictions socialistes, la pression de l'opinion parmi les intellectuels sera souvent tellement faveur du socialisme qu'il faudra à un homme plus de force et d'indépendance pour y résister que pour rejoindre ce que ses collègues considèrent comme des idées modernes. Par exemple, personne ne peut ignorer, s'il est familier d'un grand nombre d'universités (et de ce point de vue la majorité des enseignants de l'université doivent être classés comme intellectuels plutôt que comme experts), le fait que les professeurs les plus brillants et ayant le plus de succès ont aujourd'hui plus de chances d'être socialistes, alors que ceux qui ont des idées plus conservatrices sont fréquemment des médiocrités. C'est évidemment en soi un facteur important qui conduit la plus jeune génération vers le camp socialiste.
Le socialiste y verra, bien sûr, une preuve que les personnes les plus intelligentes sont destinées de nos jours à devenir socialistes. Mais c'est loin d'être l'explication nécessaire ni même la plus probable. La raison principale de cet état de fait est probablement que, pour l'homme exceptionnellement doué qui accepte l'ordre actuel de la société, s'offrent une multitude d'autres possibilités pour exercer son pouvoir et son influence. Alors que la carrière intellectuelle est pour celui qui est mécontent le chemin le plus prometteur pour exercer influence et pouvoir afin de contribuer à la réussite de ses idéaux. Plus que ça : l'homme conservateur très doué choisira en général un travail intellectuel (et le sacrifice matériel qui en résulte d'habitude) seulement si le travail en lui-même lui plaît. Il est donc plus fréquemment amené à devenir un savant expert plutôt qu'un intellectuel au sens spécifique du terme. Tandis que, que pour celui qui a des idées socialistes, le travail intellectuel est le plus souvent un moyen plutôt qu'une fin, un chemin vers la grande influence exercée par l'intellectuel professionnel. Probablement, la réalité n'est pas que les plus intelligents soient socialistes, mais qu'une plus grandes proportion de socialistes parmi les esprits intelligents se destinent aux occupations intellectuelles grâce auxquelles il obtiennent une influence décisive sur l'opinion publique dans la société moderne. »

— Friedrich August Hayek, Les intellectuels et le socialisme

« Tout système qui juge les hommes selon leur entière adhésion à un ensemble d'opinions, selon leur orthodoxie ou le degré auquel on peut leur faire confiance pour professer des avis ratifiés sur tous les points, se prive d'un soutien sans lequel aucun ensemble d'idées ne peut conserver son influence dans la société moderne. La possibilité de critiquer les idées acceptées fournit l'atmosphère sans laquelle l'intellectuel ne peut pas respirer. Une cause qui n'offre pas de telle possibilité ne peut pas trouver le soutien de l'intellectuel et est amenée à disparaître dans une société qui, comme la nôtre, dépend de ses services. »

— Friedrich August Hayek, Les intellectuels et le socialisme

« La leçon principale que le vrai libéral doit apprendre du succès des socialistes est que c'est leur courage d'être utopique qui leur a apporté le soutien des intellectuels et donc une influence sur l'opinion publique qui rend tous les jours possible ce qui semblait encore récemment tout à fait lointain. »

— Friedrich August Hayek, Les intellectuels et le socialisme